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De standardiste à vendeuse de pain-condiments, Nikky LADJI nous parle de sa reconversion du fait de la COVID-19

Nikky LADJI, une jeune ivoirienne, a récemment partagé sur Facebook, comment elle est passée, en 3 mois, de « standardiste dans un bureau confortable et climatisé » à « vendeuse de pain-condiments (ou sandwichs) en pleine rue » du fait des conséquences de la COVID-19.

Son activité de standardiste a été suspendue pour un temps. Même s’il y a une perspective de reprise, elle a su se reconvertir et s’adapter à la situation, en faisant fi de la peur du regard des autres, pour lancer une activité génératrice de revenus, au lieu de croiser les bras et de se plaindre à la maison. En plus, elle en parle fièrement, ce qui est admirable.

Nous n’avons pas voulu nous contenter de sa publication Facebook 😊. Il nous fallait creuser encore plus. Nous l’avons approchée et elle a accepté de nous parler de cette reconversion. Lisez plutôt.

Sharing Professional Experiences : Bonjour Nikky LADJI. Merci pour le temps précieux que vous nous accordez. Pourriez-vous nous parler brièvement de vous et de votre parcours professionnel ?

Nikky LADJI : A l’état civil, je suis Annick LADJI. Je suis Maman d’un garçon de 15 ans. Je suis standardiste dans une agence de communication et d’événementiel et j’y travaille depuis 9 ans.  

SPE : A cause de la crise sanitaire, votre travail de standardiste a été suspendue pour un temps. Comment avez-vous vécu cet arrêt brusque de votre travail ?

NL : Ça a été un coup dur pour moi parce que je suis une personne qui n’aime pas l’oisiveté et qui n’aime pas rester à la maison. C’était difficile pour moi de rester confinée et de ne pas travailler. Ça a été dur. Mais, comme il fallait se protéger à cause de la pandémie, j’ai respecté les consignes.

SPE : A quel moment et comment vous est venue cette idée : « Je vais vendre du pain-condiments au lieu d’attendre la reprise. » ?

NLEtant mère célibataire qui doit assurer la rentrée prochaine prévue en septembre, il fallait que je trouve rapidement le moyen de payer la scolarité de mon fils puisqu’il sera en classe d’examen.

Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose qui me permettrait de générer des entrées d’argent le plus rapidement possible. J’ai réfléchi et je me suis dit : « Tiens, du pain-condiments ! Tous les matins, les gens qui continuent à travailler et les élèves qui continuent les cours peuvent en acheter ». Je me suis mise à chercher un espace, et je l’ai aménagé pour commencer à vendre.

« Je fais fi de tout ce que les gens diront parce que je suis focalisée sur la scolarité, l’épanouissement et la réussite de mon fils. » Nikky LADJI

SPE : A votre place, beaucoup de personnes auraient eu peur de la réaction de leurs collègues, de l’entourage, etc. Avez-vous eu des doutes et inquiétudes avant de vous lancer ? Comment avez-vous vaincu ces sentiments ? 

NL : Je n’étais pas gênée parce que je suis du genre à bouger, à rentrer partout. Comme je l’ai dit dans ma publication Facebook, je suis une business woman dans l’âme et donc, tout ce qui génère de l’argent, je n’ai pas de soucis avec, je le fais.

Concernant les opinions des gens, franchement, j’en fais fi. Pourquoi ? Si je veux me baser sur ça, comment est-ce que je financerai les études de mon fils à la rentrée prochaine ? Comment pourra t-il aller à l’école et passer son examen ? Je n’ai pas le droit et je ne peux même pas permettre qu’il rate une année parce que je n’ai pas les moyens. Non. Certes, pour l’instant, je ne travaille pas mais j’ai la possibilité de faire quelque chose qui génère de l’argent pour que je puisse financer ses études. C’est mon devoir de mère, c’est mon devoir de parent. Je fais donc fi de tout ce que les gens diront parce que je suis focalisée sur la scolarité, l’épanouissement et la réussite de mon fils. Voici la raison pour laquelle je suis dans la rue en train de vendre du pain-condiments.

Nikky 2
Stand de pain-condiments de Nikky

SPE : Quelle a été la réaction de votre famille et des gens de votre entourage quand vous leur avez fait part de votre décision ?

NL : Ma famille et les gens de mon entourage m’ont encouragée. Je passais même dire à mes voisins « A partir de lundi, n’achetez plus le pain-condiments ailleurs. Je suis à tel endroit. Passez vous ravitailler pour vos enfants ». Jusqu’à présent, je continue de le faire. J’habite un immeuble, et dans la soirée, je passe voir mes voisins et je leur dis « Je vends du pain-condiments. Passez pour en acheter ».

Pour la petite histoire, quand j’étais toute petite, ma mère vendait du pain-condiments et quand je n’avais pas de cahier ou de stylo, c’est Maman que j’allais voir. Si ma mère l’a fait pour moi, pourquoi ne pas le faire pour mon fils ?

Ma mère m’aide. Elle fait le marché avec moi. Elle m’aide parfois à préparer tout ce qu’il faut. Ma famille et mes amis m’encouragent. Ils sont avec moi.

SPE :  Depuis que vous vous êtes lancée, faites-vous face aux questions des gens et peut-être à des remarques désobligeantes ?

NL : Pour l’instant, je n’ai pas encore eu ce problème. Au contraire, les gens me félicitent, ils m’encouragent. Ils sont plutôt contents pour moi. Ils me disent : « Wow ! Tu as su te reconvertir. Tu es forte, tu es battante, tu es courageuse ». Quand ils le peuvent, ils passent me dire bonjour et passent des commandes pour 5 à 6 personnes pour que mon activité réussisse. Je n’ai donc pas eu de remarques désobligeantes, mais plutôt des félicitations et des encouragements.

« Ça n’a pas été difficile pour moi de me reconvertir parce que je n’aime pas rester statique, j’aime tout faire. » Nikky LADJI

SPE : Vous avez beaucoup parlé, dans votre publication sur Facebook, de « savoir s’adapter et se reconvertir lorsque les saisons changent ». C’est une capacité rare. Beaucoup de personnes aiment rester dans leur zone de confort. Comment avez-vous développé cette capacité ?

NL : Je suis chrétienne et je me réveille très tôt, à 2H-3H du matin, pour prier. Quand je finis, j’allume la télé, et très souvent, TF1 fait passer un reportage sur des personnes qui se sont reconverties (un avocat qui devient humoriste, un docteur qui devient pêcheur, etc.). C’est l’un de mes reportages préférés et chaque fois que je me réveille les matins, je regarde cela : ça me fascine et me passionne. C’est l’un des moyens qui m’a permis de croire qu’il est possible de se reconvertir selon les saisons.

Par ailleurs, je suis une business woman et toute petite, j’aidais Maman à vendre du pain-condiments. J’ai ça en moi. Ça n’a pas été difficile pour moi de me reconvertir parce que je n’aime pas rester statique, j’aime tout faire. Comme je le dis souvent à des amis, on peut m’envoyer dans une ferme, il me faudra apprendre quelques jours, mais après, je prendrai mes marques.

Enfin, en tant que chrétienne, je sais qu’il y a plusieurs saisons dans la vie et la Bible nous en parle. Quand ces saisons arrivent, il faut s’y adapter. Je mets en application ce que ma Bible me dit. Ce sont des valeurs que je puise de ma foi chrétienne.

SPE : Comptez-vous poursuivre votre activité de vente de pain-condiments, peut-être en embauchant une personne, après la reprise de vos activités de standardiste? Vos clients risquent de vous retenir 😊.

NL :  Cette question m’a été posée plusieurs fois. Je ne vais pas arrêter mon activité de vente de pain-condiments. Je chercherai quelqu’un en qui j’aurai confiance pour me remplacer. Néanmoins, je m’occuperai de la cuisine des plats pour maintenir leur goût. Je prépare comme si je le faisais pour ma maison. Je le fais avec cœur et passion. Tous ceux qui mangent reviennent vers moi pour me dire que c’était très bon. Même si je prends quelqu’un, je préparerai moi-même les plats et la personne s’occupera juste de la vente. 

« Aucun métier n’est à dévaloriser. » Nikky LADJI

SPE : Pourriez-vous partager avec nous les leçons que vous avez tirées de cette expérience que vous vivez ? 

NL : Il n’y a pas de sot métier, c’est juste des appellations, aucun métier n’est à dévaloriser. Au contraire, nous devons respecter tous les métiers et les personnes qui les exercent. Je vous explique comment mes journées se passent. Je fais précuire certains plats, l’après-midi de 17H à 21H – 22H. Ensuite, il faut se réveiller très tôt, vers 2H, pour réchauffer certains plats, cuire d’autres qui doivent se faire le matin. Puis, il faut que je sorte de la maison à 5H40 pour être en place à 6H pour pouvoir vendre à ceux qui se lèvent tôt pour aller travailler. Je reste jusqu’à 10H-11H. A quel moment je dors ? A quel moment j’ai du temps pour moi ? C’est beaucoup de travail. Je suis dans l’événementiel et je me disais qu’on travaillait énormément. On était tout le temps sur le terrain. Mais, le travail de vente de pain-condiments est également un travail très prenant.

J’ai aussi appris qu’il ne faut pas se laisser impressionner par le statut qu’on a. On peut passer de « zéro à héros » et de « héros à zéro ». Je pouvais rester dans ma zone de confort et dire « Je suis standardiste. J’ai l’habitude de m’habiller comme une femme stylée, classe, fashion, etc. Je ne peux pas me mettre dans la rue pour vendre ». Non, il faut savoir s’adapter à tout. Quand on a la possibilité d’être avec les rois, on est avec les rois, c’est Dieu qui fait grâce. Et quand Dieu nous fait la grâce de descendre pour vivre à un certain niveau, il faut savoir apprécier tout ce que Dieu fait dans notre vie. 

« Il faut savoir se reconvertir quand les situations changent et ne pas s’apitoyer sur son sort. » Nikky LADJI

SPE : Dans votre publication sur Facebook, vous adressiez un message d’encouragement aux jeunes filles pour qu’elles fassent une activité leur permettant de se prendre en charge et d’être indépendante financièrement. Avez-vous d’autres messages à leur endroit ?

NL : Mon message pour les jeunes filles est toujours un message d’encouragement. Il faut se prendre en charge, créer une activité génératrice de revenus. Pour moi, tendre la main, dépendre d’un homme, c’est être sous un joug, c’est être une esclave. Tendre la main est synonyme d’un « échange de marchandises » qui ne dit pas son nom. Je me bats contre cela. Chaque fois que j’ai l’occasion de donner des conseils aux jeunes filles, je les encourage à faire quelque chose. Même si elles n’ont pas d’idées pour entreprendre, il faut qu’elles travaillent et qu’elles arrêtent de manger le pain de la facilité.

SPE :  Quel est votre mot de fin à l’endroit de nos lecteurs ?

NL : Il faut savoir se reconvertir quand les situations changent et ne pas s’apitoyer sur son sort. Parfois, il faut faire fi de ce que les gens diront, des opinions et des critiques désobligeantes. Il faut être focus sur ses objectifs, sa vision. Ceux qui se moquaient de vous peuvent revenir si vous avez échoué pour dire « Tu aurais pu faire ci, tu aurais pu faire ça ». Il faut prendre courage, se lever, foncer et se battre car même la Bible le dit : « Le royaume de Dieu appartient aux violents ». Il faut donc se lever et foncer pour ce qu’on veut.

SPE :  Merci beaucoup pour vos précieux conseils. Nous vous souhaitons tout le meilleur dans vos activités.  

NL : Je tiens aussi à vous remercier pour l’opportunité qui m’est accordée de faire cette interview, de raconter mon histoire, d’être un exemple et d’encourager certaines personnes à se lever et à se prendre en charge. Je suis Maman et je lutte aujourd’hui pour que le rêve de mon fils d’être footballeur soit une réalité demain. Il me faut, à tout prix, lui donner un bon niveau intellectuel et l’aider à réaliser son rêve. Voilà ce pour quoi je me bats et que je suis dans la rue en train de vendre du pain-condiments. Merci encore à vous et que Dieu vous bénisse.

Pour goûter aux bons pains-condiments de Nikky, si vous êtes à Abidjan, faites un tour à son stand situé au Mahou dans la ruelle de la discothèque « le temple ». Elle vous y attend du lundi au vendredi de 6H à 11H. Vous pouvez également passer vos commandes au 00225 49-54-68-46 (la livraison coûte 1.000 FCFA).

Vous avez aussi vécu des expériences similaires du fait de la COVID-19 ? N’hésitez pas à nous écrire pour partager votre expérience et les leçons apprises avec nos lecteurs.

(2 commentaires)

  1. Bonjour.
    Merci beaucoup pour le partage de cette expérience.
    J’ai beaucoup apprécié et de ce même canal confirmer ma conversion.
    Pour ma part je suis un jeune étudiant(semestre 6 en économie ) togolais et je ne dirais pas que je me suis converti mais plutôt améliorer en m’ajoutant une autre préoccupation qui constitue une porte de sortie pour moi car je continue de suivre les cours qui se fond en ligne et je développe un business qui marche plutôt bien pour moi.
    Et sans vous mentir je remercie cette situation de covid-19 car C’est dans le confinement que J’ai prie conscience de ma situation et où elle me conduisait. Le business en question C’est le marketing d’affiliation que je fait dans CROWD1; notez bien que ce n’est pas seulement ce business qui m’est le plus reconnaissant mais plutôt ce qu’elle a occasionné .
    Aujourd’hui je ne suis plus ce jeune étudiant qui cherche les diplômes pour attendre un concours ou un travail quelconque mais un jeune qui se réveil de son sommeil.
    Au par avant mes temps libres étaient occupé par les séries;films et les réseaux sociaux sans pour autant avoir un gain. Actuellement j’utilise le même Whatsapp pour faire mes affaires c-à-d partager l’opportunité à mes amis et proches puis le reste du temps je passe mon temps à lire les livres des personnes qui ont réussi à avoir une liberté financière ; l’autofocus; suivre des formations et conférences concernant mon business; et des vidéos suivisd’applications en développement personnel je suis aussi les coachs.
    Ça me ferai grand plaisir de participer à une partage d’expérience ou d’histoire comme celle-ci car nous la jeunesse Africaine nous souffrons de la plus importante maladie qui est plus grave que corona virus et toutes autres maladies antérieurement connue; victimes d’une des plus grands arnaque éducative et il faut qu’on se réveil si non nous allons passé toute notre vie à accuser les gouvernements pour ceci, pour celà oublient que nous sommes en fait responsable.
    Une révélation: avant cette prise de conscience je n’allait pas perdre mon temps pour lire cette publication.
    Hors nous avons besoin de ça pour trouver notre chemin.
    Merci beaucoup pour tout.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour votre commentaire et pour votre partage. C’est toujours utile de lire les histoires et expériences des autres. On se rend compte qu’on fait face à des challenges similaires et on apprend aussi de leurs parcours. Votre expérience aussi est très intéressante. Au lieu d’attendre passivement, vous avez su prendre en main votre vie et tirer profit des réseaux sociaux pour faire des affaires et apprendre en suivant des formations et conférences. Bravo. Vous pouvez toujours nous écrire via notre page de contacts (voir le menu accueil) pour contribuer en partageant votre expérience sur un sujet spécifique. Merci.

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