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« Etudes supérieures » vs « études inférieures » : la guerre des métiers

Vous avez peut-être déjà vu la publicité de cette banque qui met en avant le fait qu’il n’y a pas d’études « inférieures », en faisant référence aux formations liées aux métiers manuels (couture, plomberie, menuiserie, mécanique, maçonnerie, coiffure, etc…). Dans cette publicité, un jeune ayant choisi de devenir mécanicien subit les moqueries et le jugement de ses proches et de ses camarades, du fait de son choix de métier opposé à ce qu’on pourrait considérer comme un métier socialement plus valorisant.

La réalité mise en exergue dans cette publicité interpelle également les africains que nous sommes et nous invite à réfléchir à cette discrimination à laquelle nous n’avons peut-être jamais pris le temps de penser, mais qu’inconsciemment, nous acceptons.

  • « Il a décidé de devenir maçon, il manque cruellement d’ambition »
  • « Il a probablement choisi de devenir menuisier parce qu’il a échoué plusieurs fois à un examen au collège ou au lycée, ou encore parce qu’il ne comprenait rien en classe ».
  • « Parce que je fais des études d’architecte et lui une formation en mécanique, je suis plus important que lui et je vais sûrement mieux réussir que lui ».

Du côté des parents, cette tendance est plus qu’affirmée. Combien de parents peuvent dire fièrement de leurs enfants qu’ils ont choisi de devenir menuisiers, mécaniciens ou bouchers ? Même s’il y en a, ceux-ci ne crient pas aussi forts que les parents qui ont des enfants qui font des études de médecine, d’ingénieur, etc. Beaucoup de parents éteignent également les rêves et les passions de leurs enfants qui veulent devenir par exemple peintres ou chanteurs et leur imposent des métiers « importants ».

Combien de parents peuvent dire fièrement de leurs enfants qu’ils ont choisi de devenir menuisiers, mécaniciens ou bouchers ?

Que penser de tout cela ? Arrêtons-nous un instant sur ces clichés qui détournent beaucoup de leurs passions, des métiers qui les rendrait heureux et épanouis, ou simplement de ce qu’ils savent faire le mieux.

Vous vous dites peut-être que nous vivons dans un environnement où ces métiers « importants » assurent plus de chances de trouver un emploi bien rémunéré et de vivre la vie de ses rêves (construire une maison, s’offrir de belles vacances, inscrire ses enfants dans de grandes écoles/universités, vivre aisément…). D’autres se disent que les conditions de vie dans nos pays sont tellement difficiles qu’ils ne veulent pas réduire à néant les investissements de leurs parents en visant « bas ». Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer pourquoi cette discrimination s’est installée petit à petit comme une norme.

Néanmoins, d’un autre côté, il est important de mettre en exergue d’autres réalités qu’on néglige souvent ou dont on n’a simplement pas connaissance.

  • Ceux qui choisissent les métiers manuels ne sont pas toujours les plus pauvres ou ceux qui ont le moins réussi. Plusieurs personnes ayant fait le choix de l’apprentissage au lieu des études supérieures ont très bien réussi leur vie et arrivent même très tôt, à s’offrir tout ce qu’ils veulent. Peut-être parce que nous ne les voyons pas en costume ou bazin riche, nous n’imaginons pas les millions qu’ils brassent chaque mois ou la satisfaction personnelle qu’ils tirent de leur métier.
  • Ils ne sont pas non plus les moins intelligents mais ont plutôt eu, pour la plupart, le mérite de détecter très tôt ce dans quoi ils étaient bons, et contrairement à la masse, en dépit des critiques et de la pression sociale, ont choisi de s’y consacrer au lieu de continuer dans une voie qui « semblait » sûre mais dans laquelle ils n’auraient pas été épanouis.
  • Même si le choix a été fait par défaut pour certains, cela leur permet de subvenir à leurs besoins et de ne dépendre de personne financièrement.
  • On parle tous les jours du chômage (difficile d’avoir les chiffres réels, les taux sont généralement très faibles, ne demandez pas pourquoi…). Au même moment, plusieurs secteurs manquent de main d’œuvre. Au Togo, par exemple, en 2019, les secteurs qui ont été identifiés comme porteurs d’emplois concernent la pisciculture, l’apiculture et les centres d’appels. Il est certain que des jeunes adoreraient s’investir dans ces métiers ou qu’ils ont des capacités naturelles pour exceller dans ces domaines mais oseront-ils se lancer ? peut-être sont-ils déjà dans d’autres filières plus « correctes » ?

Ceux qui choisissent les métiers manuels ne sont pas toujours les plus pauvres ou ceux qui ont le moins réussi.

La société peut vouloir nous imposer certaines normes mais ce que nous choisissons de faire – « se laisser définir par ces normes » ou « choisir d’être épanoui et de vivre pleinement notre vie en exploitant notre potentiel » – est de notre seul ressort, de notre seule responsabilité.

Ce n’est pas facile de faire face aux critiques, d’affronter les regards quand on choisit un métier qui n’est pas coté, ce n’est pas facile de convaincre ses proches que notre choix n’est pas fait sur un coup de tête. Face à tout ce qu’il peut y avoir comme obstacles, la meilleure revanche quand on est convaincu du métier ou du choix professionnel qui nous rendrait heureux, est de réussir.

Réussir ne veut pas forcément dire être très riche, il s’agit simplement de bien faire le métier qu’on a choisi de faire, et même plus, d’être excellent, que cela nous permette de subvenir à nos besoins quels qu’ils soient, de ne dépendre financièrement de personne, de vivre conformément à ses valeurs et par-dessus tout, d’être heureux de se lever le matin pour vaquer à ses occupations et d’avoir un impact positif sur son entourage.

Face à tout ce qu’il peut y avoir comme obstacles, la meilleure revanche quand on est convaincu du métier ou du choix professionnel qui nous rendrait heureux, est de réussir.

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Le changement de la perception des apprentis ou des personnes qui ont choisi de faire un métier manuel doit commencer par nous qui comprenons qu’il n’y a pas d’études inférieures ni d’études supérieures, pas de métiers inférieurs ni de métiers supérieurs.  Il ne s’agit pas de décourager ceux qui veulent faire de longues études ou des métiers intellectuels. Mais il s’agit simplement de nous emmener à comprendre que nous sommes sur un même pied d’égalité et que tous les métiers sont utiles. Peut-être est-ce une impression, mais on dirait que des pays comme les Etats-Unis ont assez bien intégré ce concept et les gens y sont plus libres de choisir le métier qu’ils veulent faire sans craindre une forte pression sociale.

Sommes-nous aussi prêts à accepter cela ? Peut-être le jour où notre enfant nous dira qu’il a décidé, en connaissance de cause, de devenir chanteur ou artiste peintre, nous saurons si nous avons vraiment accepté que tous les métiers sont utiles et peuvent mener au succès.

Je vous invite à lire l’article précédent portant sur la possibilité de faire le travail qu’on aime dans nos sociétés africaines : certains prérequis pour sauter le pas y sont évoqués. Vos contributions et expériences personnelles sur le thème développé dans cet article ou le précédent, seront les bienvenus pour aider, ne serait-ce qu’un seul jeune, dans son choix de carrière, ou un professionnel dans sa reconversion professionnelle.

Le discours de Martin Luther King ci-dessous reflète bien l’esprit de cet article et doit nous interpeller. Relisons ces quelques lignes :

« Chacun de nous porte en soi, cachées au plus profond de lui-même, des forces créatrices, et nous avons le devoir de les découvrir et de les utiliser.

Lorsque quelqu’un a découvert pourquoi il a été créé, il doit mettre tout en œuvre pour réaliser au maximum le plan du Créateur, suivant ses propres possibilités. Il doit essayer de réaliser quelque chose de façon telle que personne ne soit capable de le faire mieux que lui. Il doit le faire comme s’il s’agissait d’une mission spéciale que lui aurait confiée le Créateur, à lui personnellement, et à ce moment précis de l’histoire du monde. Personne n’est capable de réaliser quelque chose d’exceptionnel s’il n’a pas le sentiment d’avoir été appelé spécialement pour cela, en un mot, s’il n’a pas la vocation.

Si votre mission est d’être balayeur de rue, vous devez balayer les rues dans le même esprit que Michel-Ange lorsqu’il peignait ses toiles, que Beethoven lorsqu’il composait ses symphonies, que Shakespeare lorsqu’il écrivait ses drames. Vous devez balayer les rues d’une façon tellement parfaite que chaque passant puisse dire : « Ici, c’est un grand balayeur qui a travaillé ; il a bien accompli sa tâche ! »

Si tu ne peux être un arbre sur la colline, sois un buisson dans la vallée ; mais sois le meilleur buisson à des lieues à la ronde. Si tu ne peux être le soleil, sois une étoile. La valeur ne se mesure pas aux dimensions. Sois ce que tu es, mais sois-le consciemment. »

Excellente réflexion et au plaisir de nous retrouver très prochainement pour d’autres articles.

N’hésitez pas à nous écrire, en commentaire ou via notre page de contacts, pour nous relater vos témoignages et expériences spécifiques dans le monde professionnel, qui seront sûrement utiles à d’autres.

Stéphanie S.M.

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