Lors d’une récente discussion avec un collègue, nous faisions remarquer combien la perception du travail était en train de changer dans le monde. Les générations précédentes cherchaient essentiellement à trouver et à sécuriser un travail qui rapporte un salaire fixe pour pouvoir payer leurs factures et prendre soin de leur famille. Actuellement, ce n’est plus suffisant. Partout, notamment sur les réseaux sociaux, les coachs, les hommes et femmes d’influence nous poussent à avoir un idéal, une vision, un rêve à poursuivre pour notre bien et celui de notre environnement. La tendance est plutôt à « entreprendre ou faire un travail qui a un impact positif sur notre environnement ».
Il faut dire que cette nouvelle tendance rend la tâche difficile aux employeurs. Avant, avec un salaire fixe, ils pouvaient retenir facilement leurs employés qui estimaient qu’avoir un CDI était déjà un luxe. Maintenant, il faut beaucoup plus pour qu’un employé accepte de mettre entre parenthèses ses rêves, ses projets pendant une longue durée.
Faire ce qu’on aime motive à être plus impliqué, plus appliqué et plus productif, ce qui n’est que positif pour nous et pour notre environnement.
La définition du luxe dans le monde du travail est donc en train de changer et fait plutôt référence à ces personnes qui travaillent dans un domaine qui les passionne, sont très épanouies et ont l’avantage de joindre l’utile à l’agréable : elles gagnent leur vie et ont le privilège de faire un métier qui les comble que ce soit dans l’humanitaire, dans l’enseignement, la finance, l’informatique ou dans une entreprise dont elles partagent pleinement la vision. Faire ce qu’on aime motive à être plus impliqué, plus appliqué et plus productif, ce qui n’est que positif pour nous et pour notre environnement.
Combien de fois n’admirons-nous pas ces gens qui disent : « j’ai quitté mon travail pour monter ma boîte », « j’ai décidé de prendre une année pour faire le tour du monde en vivant de petits boulots que je ferai dans les différents pays », ou encore ces histoires de jeunes entrepreneurs qui ont laissé leur travail en Europe avec de gros salaires pour rentrer en Afrique et monter leur projet à partir de zéro. Ce n’est pas forcément parce que nous voulons faire les mêmes choix mais leur courage, cette audace de pouvoir laisser un acquis pour se jeter dans l’inconnu suscite l’admiration.
Peut-on vraiment faire le métier de nos rêves et ne pas travailler un seul jour de notre vie ?
Cette citation de Confucius revient souvent sur les réseaux sociaux : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. ». C’est vrai, mais pour quelqu’un qui vit en Afrique comme moi, en lisant cette citation qui parle de « choisir », on peut se demander si on a vraiment le choix. Est-ce que ces personnes qui se lèvent chaque jour pour aller travailler sans autre motivation que leur salaire, peut-être même avec la peur au ventre, le font par choix ?
Vous pourriez constater les faits suivants autour de vous, surtout si vous êtes aussi en Afrique :
- le taux de chômage important : beaucoup peinent à trouver un « petit » travail pour subvenir à leurs besoins primaires. Peuvent-ils se permettre de laisser passer des opportunités sous prétexte que cela ne correspond pas à ce qu’ils aiment ?
- le manque de moyens financiers : nombreux aspirent à faire un métier donné mais, par manque de moyens pour se faire former, se tournent vers d’autres formations. Un autre exemple est celui de ces personnes qui fourmillent d’idées merveilleuses et innovantes et malheureusement, personne n’est prêt à prendre le risque de les accompagner ni financièrement ni moralement ;
- le manque d’informations : Question : « que veux-tu faire de ta vie ? ». Réponse : « je veux travailler dans une banque » ou « je veux travailler dans une institution internationale ». C’est cela leur métier de rêve. Pourtant, on peut trouver une centaine de métiers dans une banque ou dans une institution internationale. Malheureusement, ces personnes battent des mains et des pieds pour finalement se retrouver dans ces institutions ou faire ces métiers sur lesquels elles ne se sont pas suffisamment renseignées, et se rendent compte qu’elles n’aiment pas ce qu’elles font et qu’elles ne sont pas épanouies. Pourtant, même si la théorie de ce que nous lisons ne peut pas être comparée au vécu, avec Internet, l’information est plus disponible et accessible que jamais …
- la fameuse question de l’inadéquation formation/emploi : les entreprises ont besoin des profils « A » et « B », les étudiants ont envie de se former dans les métiers « X » et « Y », et finalement personne n’est satisfait.
Nous pourrions continuer à recenser ces constats mais je vous laisse compléter. Alors, vu tout cela, revenons à la question : peut-on vraiment faire le métier de nos rêves et ne pas travailler un seul jour de notre vie ?
Oui, en partie. Peut-être que cela ne sera pas valable sur toutes les 40 années potentielles de vie professionnelle, mais il est possible de se fixer cet objectif d’arriver un jour à faire ce qu’on aime. Même si pendant nos 5, 10 ou 20 premières années de vie professionnelle, à cause du chômage, du manque de moyens ou autres, nous ne faisons pas ce que nous aimons, nous pouvons aspirer à tout mettre en œuvre pour qu’un jour, nous puissions faire une reconversion de carrière pour faire notre métier de rêve. Cela pourrait sembler évident, mais beaucoup de personnes laissent malheureusement tomber leurs objectifs au premier obstacle ou encore restent dans le contentement après avoir finalement trouvé un travail stable et choisissent de renoncer à leurs rêves pour rester dans leur zone de confort. Vous devez sûrement connaître des gens qui se sont dits qu’ils allaient faire une pause dans leurs études pour travailler et gagner de l’argent pour pouvoir poursuivre leurs études, et après, même après en avoir eu assez pour vivre et pour reprendre les études, renoncent à cela.
Même si nous sommes dans des environnements défavorables, il est possible d’arriver un jour à avoir ce luxe de faire ce que nous aimons et de nous réveiller chaque matin en étant pressé d’aller travailler, tout en cultivant les qualités nécessaires :
- Le courage et l’audace pour faire le choix de sortir de notre zone de confort pour pouvoir mettre en œuvre ce projet qu’on a, même si ça peut sembler dévalorisant de laisser ce métier de banquier pour devenir agriculteur, même si ça peut sembler risqué de laisser ce métier avec un salaire fixe pour une entreprise à revenu incertain.
- Ce courage est nécessaire pour pouvoir reprendre les études même à un âge avancé et nous retrouver sur les bancs parmi plus jeunes que nous, ou encore pour faire une reconversion de carrière à 40 ans et aller dans ce domaine qui nous intéresse.
- La curiosité et la discipline pour lire les bons livres, chercher les bonnes informations et opportunités, se renseigner suffisamment auprès des bonnes personnes et s’informer suffisamment pour ne pas tomber dans la désillusion pour avoir choisi la mauvaise voie, la mauvaise formation ou la mauvaise filière.
- La sagesse pour profiter des temps que nous passerons à faire ce travail que nous n’aimons pas, pour accumuler quand même de l’expérience en comptabilité, en négociations, en présentation, en droit, etc.. et qui nous sera certainement utile quand nous allons finalement avoir ce privilège d’avoir le poste de nos rêves ou de créer l’entreprise de nos rêves. Comme le disait le 26ème Président américain, Theodore Roosevelt, « Faites ce que vous pouvez, avec ce que vous avez, là où vous êtes ».
- La sagesse d’établir les bonnes connexions et les bonnes relations qui nous seront utiles par la suite : il n’est jamais conseillé de se faire des ennemis dans le monde du travail. Même si vous démissionnez et que vous avez toutes les raisons du monde de vous plaindre, faites-le en douceur, car vous ne savez pas où vous pourriez retrouver votre ancien patron ou quand vous pourriez avoir besoin de lui.
- La sagesse également pour ne pas décider d’un jour à l’autre de quitter notre emploi stable pour monter notre boîte sans avoir pris le temps de nous préparer au préalable : en scrutant de près les exemples de personnes qui ont fait le choix de tout laisser pour poursuivre leurs rêves, on remarque que plusieurs ont pris le temps de faire les recherches nécessaires pour s’assurer de la viabilité de leur projet, de tester leurs idées auprès de proches, de chercher les partenaires pendant qu’ils faisaient leur travail précédent.
- La sagesse pour comprendre qu’on n’a peut-être pas besoin de laisser notre travail actuel (si nous ne sommes pas victimes d’injustices particulières) pour vivre notre rêve, mais qu’on peut faire ce qu’on aime, en parallèle de notre travail, en mettant à profit nos week-ends, nos soirées, en nous servant d’internet et des réseaux sociaux, le temps que notre projet/entreprise prenne de l’ampleur et finisse par nécessiter qu’on y consacre plus de temps.
- La sagesse pour accepter qu’en tant qu’être humain, nos envies et désirs peuvent changer, et qu’après avoir été à un poste de rêve pendant 10 ou 20 ans ou après nous être rendu compte de notre mauvais choix en termes de métier ou de formation, nous pouvons aspirer à un autre métier ou un autre objectif, sans que ce ne soit signe d’inconstance, et nous donner les moyens de poursuivre ce nouveau rêve.
Cette liste de recommandations peut être complétée par des personnes plus expérimentées qui lisent (n’hésitez pas à le faire en commentaire).
Je suis jeune, je vis en Afrique de l’Ouest, je vois beaucoup d’injustices et j’entends beaucoup de plaintes de jeunes, de professionnels mais je crois que dans un environnement qui peut sembler défavorable, dans la mesure où d’autres ont réussi que ce soit en une année, en 5 ans ou en 10 ans, il reste possible de vivre cette citation de Confucius et de faire un travail que nous aimons, surtout que plus de la moitié de notre vie y sera consacrée. Tout en souhaitant que chacun trouve ce travail le plus tôt possible dans sa carrière…
N’hésitez pas à nous écrire, en commentaire ou via notre page de contacts, pour nous relater vos témoignages et expériences spécifiques dans le monde professionnel, qui seront sûrement utiles à d’autres.
Stéphanie S.M.